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Mise en liberté de détenus: l’association des magistrats de Guinée rappelle à l’ordre le garde des sceaux (déclaration)

C’est avec amertume et un préoccupant étonnement que l’Association des Magistrats de Guinée (AMG) est informée par les magistrats servant dans les Juridictions de l’intérieur du pays que Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’homme se livre à des mises en liberté de personnes détenues les unes sous inculpation, les autres sous condamnation contrairement à toute règle de procédure en vigueur.

Les personnes en détention préventive ne peuvent être libérées que par acte précis d’un juge : soit une décision de non-lieu, soit une décision de renvoi des fins de la poursuite.

Quant aux condamnés, ils sont libérés suite à l’expiration de leurs peines ou en vertu de la grâce présidentielle ou de l’amnistie. Procéder autrement, c’est contribuer au dysfonctionnement de l’appareil judiciaire, préjudiciable aussi bien à l’Etat qu’aux justiciables.

Il dit l’avoir fait en sa qualité de Ministre des Droits de l’homme. Mais les victimes de ces personnes qu’il libère en violation de la loi, n’ont-elles pas de droit ? Quand on pense à cette dame qui a procédé à une brûlure à l’acide de l’épouse de son petit ami et qui est désormais libérée par Monsieur le Ministre des Droits de l’homme sans jugement, cet autre cas criminel d’une femme qui a cruellement ôté la vie à son mari et à tous ces condamnés pour crimes et délits contre les biens ?

Nulle part dans les lois de la République, il n’est prévu le pouvoir pour le Ministre de la Justice de procéder par lui-même ou à travers les Procureurs généraux ou d’instance à la mise en liberté sans formalité fondée sur des dispositions du Code de Procédure pénale.

Le spectacle de ces mises en liberté d’une évidente illégalité se déroule sur fond de critiques incitant les populations à se dresser contre les magistrats. Parmi ces critiques Monsieur le Ministre de la Justice, s’érigeant en juge, estime que les personnes qu’il a mises en liberté seraient restées trop longtemps en détention, en violation des Droits de l’homme.

Si l’on peut applaudir l’argument de la détention prolongée, Monsieur le Ministre oublie le dysfonctionnement qu’il a lui-même créé en s’abstenant de fournir à chaque juridiction le personnel nécessaire à son fonctionnement correct.

Dans certaines juridictions, la pléthore de magistrats est paralysée par le manque ou l’insuffisance de l’effectif de greffiers permettant le fonctionnement régulier des Cours et Tribunaux. Par exemple la Cour d’Appel de Conakry a plus d’une dizaine de chambres qui, toutes fonctionnent avec seulement cinq greffiers alors que dans les conditions normales chaque chambre devrait recevoir au moins un greffier.

Nulle part où il est passé dans les juridictions de l’intérieur, en sa qualité de Ministre des Droits de l’homme, il ne s’est soucié des conditions de vie tant carcérales que fonctionnelles des gardes pénitentiaires. Point de matelas dans plusieurs prisons qu’il a visitées.

Se détournant de ses obligations d’exécution correcte de la politique pénale tant en ce qui concerne l’aspect matériel et même financier du fonctionnement des Services judiciaires : il excelle dans la critique et le dénigrement des Magistrats sans aucun souci d’apporter une certaine plus-value à la Justice guinéenne, réputée être la boussole de la transition ; toute chose contraire aux règles inscrites dans le Code de conduite de l’Administration.

L’AMG, avec la plus grande fermeté, dénonce l’ingérence de Monsieur le Ministre de la Justice dans la gestion d’une Procédure judiciaire, chose susceptible d’entraver l’exécution par l’appareil judiciaire de ses missions régaliennes.

L’AMG rappelle que conformément aux dispositions de l’article 17 de la Loi 054 du 17 mai 2013 portant statut des magistrats. L’Etat a l’obligation de veiller à ce que les magistrats puissent s’acquitter de leurs fonctions professionnelles en toute liberté, sans ingérence, sans faire l’objet d’intimidation, de harcèlement d’aucune sorte et sans devoir assumer, de quelque façon que ce soit, une responsabilité civile, pénale ou autre, sauf les cas de fautes professionnelles ou disciplinaires.

L’AMG, à travers son Conseil d’Administration invite les Magistrats de Guinée, où qu’ils se trouvent, à se débarrasser de tout complexe, à ne céder à aucune intimidation, aucune pression, à s’opposer pour le bien-être de la Guinée et des guinéens à toute instrumentalisation des Cours et Tribunaux.

L’AMG met en garde Monsieur le Ministre de la Justice, de toute éventuelle immixtion dans la gestion des affaires pendantes devant les Cours et Tribunaux.

Enfin, L’AMG ne demande qu’une seule chose, c’est le dialogue sincère et franc sur l’Administration de l’appareil judiciaire et l’avenir de la Justice guinéenne dans la perspective de la réussite de la transition en cours.

Pour le Conseil d’Administration/Son Président

Mohamed DIAWARA

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