Nombre d’observateurs se demandent, sans cesse, pourquoi tant de violences à Ratoma, précisément sur l’axe Hamdallaye-Kagbèlen.
Pourquoi c’est toujours les mêmes quartiers, la même commune, la même communauté ?
Sans tomber dans un jugement émotionnel et partial, demandons, plutôt : Naît-on violent ? Voilà, une question qui fait appel à un raisonnement plus sociologique, à la « neutralité axiologique ».
Vous pouvez déjà deviner la réponse : on ne naît pas violent, on le devient. Les Sociologues savent bien de quoi je parle !
Pourquoi et comment les ‘’jeunes de l’axe’’ sont-ils, donc, devenus si violents ?
Cette question nous interpelle tous.
En effet, comme le souligne-t-on dans ‘’Vision 2040 pour une Guinée émergente et prospère’’, P.13 :
Parmi toutes les idées autour desquelles les citoyens guinéens organisent leurs actions politiques, l’idée que la politique est un combat où s’affrontent les ethnies (et donc où chacun a intérêt à se ranger derrière son ethnie) a aujourd’hui une plus grande influence. Cette idée a suscité des violences à différents moments des processus électoraux.
Cette atmosphère « ethnique » dans un jeu politique biaisé par une culture de la fraude a été et reste encore un terreau fertile pour les violences politiques. De sorte qu’on peut conclure en disant que la Guinée reste un pays à fort potentiel de violence politique, qui a de la difficulté manifeste à permettre un pluralisme politique.
Sans trop s’étaler sur l’historique des violences socio-politiques en Guinée, rappelons tout simplement que de 2010 à nos jours, celles-ci ont causé la mort d’environ 150 personnes, des jeunes garçons et des jeunes filles en majorité ; presque tous issus d’une même communauté.
Aujourd’hui, dans cette localité (Ratoma), chaque famille a perdu, directement ou indirectement, un ou plusieurs proche.s ; ou bien encore, a été violentée d’une façon ou d’une autre. Beaucoup de jeunes de moins de 20 ans voire plus, sont nés dans cette atmosphère de violences diverses.
Ils ont été témoins ou entendu parler de l’assassinat, à bout portant, de leurs frères ou de leurs sœurs, de leurs pères ou de leurs mères ; ou tout au moins, témoins de toutes formes de violences (verbales, physiques,…) sur les leurs. Ils ont vu du sang humain couler et des âmes succomber, entendu infiniment des coups de feu, transporté et enterré impuissamment les cadavres de leurs proches. Pis encore, la justice n’a donné, jusque-là, aucune suite à ces crimes tant déplorables.
Animés par un sentiment d’injustice, d’exclusion et de frustration, ils ont préféré soit la résignation temporaire, soit l’auto-défense par la mise en place de groupes de « clans », soit ‘’la fuite’’ (migration irrégulière).
Bref, ces jeunes sont nés et ont grandi dans la violence. Résultat : ils sont devenus, malgré eux, violents.
Naitre et grandir dans la violence, tel est le sort, disons, le destin réservé à tout enfant de l’« axe ». Quel avenir pour une telle jeunesse, exposée et vulnérable ? Une jeunesse de « Ghettos » et de « Temples », une jeunesse dont le seul moyen de soulagement reste et demeure : la consommation abusive de la drogue et autres types de stupéfiants.
La violence n’étant pas une fatalité, il est possible de sauver la jeunesse de l’« axe » : celle d’aujourd’hui et celle de demain. Il s’agit de remplacer l’éducation violente inconsciente par une éducation saine.
« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde », nous enseigne l’emblématique, feu Nelson MANDELA. Elle (l’éducation) « fait passer l’individu de l’état d’animalité à celui d’humanité », nous indique un penseur bien averti.
En lieu et place des PA (Postes d’Appui), des kalachnikov, des Pickup, des bombes à gaz lacrymogène, des menottes,…il serait plus salutaire et salvateur de construire beaucoup d’écoles publiques (établissements préscolaires, écoles primaires, des collèges, des lycées, des écoles professionnelles et techniques, des universités) afin de préparer les enfants, les adolescents et les jeunes de cette localité pour l’avenir. Ainsi, on donnerait une instruction et une éducation dignes de nom aux jeunes de l’axe.
En l’espace de quelques années, ils se transformeraient en de véritables acteurs de développement, des citoyens laborieux et responsables, des leaders émergents qui s’impliqueront activement et positivement à la vie de la Nation. Ils ne cèderaient plus à la manipulation, ni à la violence.
Pour y arriver, il faudrait que la société civile s’implique activement dans la sensibilisation et que les familles changent de paradigme éducatif, de méthodes et de discours.
Aboubacar Mandela CAMARA
Sociologue/Consultant en éducation/Auteur