C’est demain 30 novembre, la grande kermesse annuelle des Prix littéraires parisiens. C’est demain en effet que seront décernés, le Goncourt et le Renaudot, les deux Prix les plus prestigieux du pays de Voltaire et d’Hugo.
Et cette année, le plus prestigieux des deux, le Goncourt revêt une particularité de taille : son favori est un ressortissant d’Afrique noire, une femme qui plus est, la Camerounaise, Djaïli Amadou Amal pour son très beau roman, Les Impatientes.
Jamais, un Sud- Saharien n’a obtenu le Goncourt. Jusqu’ici, notre sous-continent s’est contenté de quelques sélections restées hélas sans résultat. Je rappelle pour flatter notre égo national que le tout premier à être sélectionné par la fameuse académie est un Guinéen : Saïdou Bokoum en 1975 pour son fameux roman, Chaînes qui malgré son échec en phase finale, bénéficia néanmoins d’un succès médiatique et commercial bien mérité.
Ensuite, ce furent, à maintes reprises mais sans la concrétisation escomptée, Ahmadou Kourouma, Alain Mabanckou et moi-même. Certes le Marocain Tahar Ben Jelloun et le Martiniquais Patrick Chamoiseau qui l’ont tous les deux obtenu, pourraient constituer pour nous un lot de consolation mais le fait est là : ni Yambo Ouologuem, ni Cheikh Hamidou Kane ni Ferdinand Oyono n’ont décroché le précieux sésame.
Si demain, Djaïli Amadou Amal créait la surprise, ce serait un étage de plus pour cette littérature négro-africaine qui a mis plus d’un siècle à s’affirmer sur la scène internationale malgré le talent incontestable de Senghor, de Césaire, de Camara Laye, de Mongo Béti et des autres. Et pour notre jeune auteure camerounaise une consécration sans égale dans le landerneau littéraire africain.
J’ai eu l’occasion de rencontrer Djaïli par deux fois : au Salon du Livre de Paris et ici, à Conakry, en marge des 72 H du Livre. Mais je connais bien Maroua, sa ville natale et même certains membres de sa famille.
Son livre est un long murmure, poétique, pudique, un manifeste à la révolte contenue mais une révolte quand-même contre la soumission imposée aux femmes dans nos sociétés soudano-sahéliennes où le double effet de l’Islam et des traditions africaines étouffe nos sœurs et nos mères et en fait des citoyens de seconde zone, disons-le franchement, des êtres inférieurs.
Du féminisme calme, du féminisme intelligent, sans tapage et sans vulgarité !
Djaïlé, ma petite sœur, la date fatidique approche. Mon affection, mes prières et mes bénédictions t’accompagnent. Ce serait une fierté pour le Cameroun et pour la flotte littéraire africaine dont le volet féminin est en train de devenir grâce à toi et à tes consœurs, rien moins que le navire-amiral.
Allah okku jam !
Tierno Monénembo